VIE DU GENÉRAL DE GOISLARD DE MONSABERT
La Promotion 1982-1985 de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr a l’honneur et la fierté de porter le nom de général de Goislard de Monsabert.
Les Goislard sont des notables issus de paysans du Vendômois, mais leur véritable ascension sociale commence avec le mariage de Marc-Anne Goislard (1651-1712), conseiller au Parlement de Paris, avec Anne le Maistre de Monsabert. Marc-Anne devient par là même châtelain de Monsabert (Le chateau se situe entre Angers et Saumur et Baron de Richebourg-le Thoureil (Le Thoureil est maintenant un village sur les bords de la Loire). Plus récemment, les ancêtres du général sont surtout des militaires de carrière, officiers durant la Révolution à l’Armée des Princes, dans l’Armée Impériale et enfin sous la troisième république ou Charles de Monsabert se distingue par sa foi en Dieu et en sa patrie, illustrée par sa devise : « Patriæ impedere vitam ».
Joseph de Monsabert naît le 30 septembre 1887 à Libourne. Que dire de son enfance sinon qu’elle se déroule au rythme des garnisons paternelles ? Ce moment privilégié où il grandit en âge et en sagesse est plus particulièrement marqué par la carrière de son père à qui il voue une admiration sans borne et qui ne cessera jamais.
A Bergerac, lorsqu’il accompagne son père au quartier, les soldats au garde-à-vous et les uniformes sont à l’origine de sa toute première connaissance de la vie militaire : à chaque fois, son cœur vibre d’émotion. Cet attrait que présente l’armée pour le jeune Monsabert prend l’aspect d’un véritable culte où chaque prise d’armes est un rite sacré.
En 1893, la famille Goislard de Monsabert est endeuil : Madame de Monsabert, encore jeune, décède et laisse au sein de la famille une grande douleur ; Joseph a alors six ans.
Le jeune garçon passe son adolescence à Vannes où son père, le commandant de Monsabert, est muté. Cette période de la vie du jeune de Monsabert est fortement influencée par l’Ecole Saint-François-Xavier, collège de jésuites, où il trouve une foi catholique et un esprit de tradition qui lui conviennent à merveille. Longtemps après, il y reviendra comme ancien élève puis comme président. Ce collège accueillait surtout les jeunes hobereaux bretons, et les souvenirs de la Chouannerie Bretonne étaient toujours présents dans leur cœur : ils allaient clamer leur royalisme, lors du pèlerinage de Sainte Anne d’Auray, devant la statue du Comte de Chambord aux cris de « Vive le Roi ».
Sainte Anne est la patronne de la famille de Monsabert et ces pèlerinages familiaux ont un aspect d’autant plus solennel.
Que ce soit à pied ou à bicyclette, Joseph, toujours épris de l’armée, aime suivre dans ses déplacements le régiment de son père (16ème Régiment d’Infanterie), dont les charges le ravissent.
Cette période bénie trouve sa fin avec la retraite anticipée que le lieutenant-colonel de Monsabert décide de prendre à la suite de l’affaire des Inventaires : se refusant à pénétrer de force dans les églises pour les piller, son père quitte l’armée et Vannes pour retourner à Bordeaux.
Quant à Joseph, il entre au collège des Jésuites en classe de première scientifique et échoue au baccalauréat latin-sciences en juillet 1904. Il l’obtient en octobre chez les Jésuites à Saint-Joseph à Poitiers. Son admiration pour les cuirassiers va croissant et il prend au manège Bertini ses premières leçons d’équitation.
Le jeune homme sent naître sa vocation d’officier. Il part à l’Ecole Sainte-Geneviève d’où sont issues toutes les générations de « Cyrards » de l’époque. En 1906, il passe l’écrit et le premier oral de Saint-Cyr en mathématiques élémentaires ; en 1907, c’est la réussite. Il est 60 sur 225 intégrants et pourrait tout juste prendre la Cavalerie, mais son acuité visuelle le lui interdit. Il choisit l’Infanterie qu’il ne quittera désormais jamais plus.
Avant de rejoindre Saint-Cyr, les intégrants devaient accomplir une année de service militaire : il rentre au 50ème de Ligne de Périgueux le 10 octobre 1907. II fait ses classes puis le peloton de caporaux et passe enfin sergent. Il se souviendra longtemps de ses débuts lorsqu’en pantalon garance et vêtu de gros drap militaire, il faisait ses premières armes sous la direction d’un adjudant terrifiant.
Après ce séjour en Corps de Troupe, c’est l’entrée pour deux ans au « bahut » de Saint-Cyr-l’Ecole. On ne sait que peu de choses sur le cyrard de la Promotion Maroc.
A sa sortie, il rejoint le 44ème Régiment d’Infanterie à Epinal où il sert deux ans. Mais rapidement l’Afrique du Nord l’attire et il demande sa mutation dans l’Armée d’Afrique. En septembre 1912, il débarque en Algérie pour rejoindre son premier régiment africain : le 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens.
La guerre éclate et le Lieutenant de Monsabert quitte l’Afrique pour regagner Mérignac où stationne sa nouvelle unité, le 1er Régiment mixte de Zouaves et Tirailleurs de la prestigieuse 1ère Division du Maroc, qui remonte vers le front. Il y restera jusqu’en 1915. I1 fait tout le reste de la Grande Guerre avec le 9ème Régiment de Marche de Zouaves ; il est alors capitaine.
Il fait une très belle guerre. Toutes les qualités du futur général de la campagne d’Italie s’y expriment, notamment son comportement au feu et son intelligence du combat, illustrées d’ailleurs par ses deux premières citations.
« Commandant une compagnie de mitrailleurs, a judicieusement composé ses sections pour appuyer l’enlèvement d’une position ennemie à l’attaque des 26 et 27 septembre 1915. A largement contribué à l’enlèvement de la position. Très belle attitude au feu, dirige son personnel avec le plus grand calme », (citation à l’ordre de l’armée). La deuxième citation met en exergue ses qualités maneuvrières: « Chargé avec son bataillon de la mission délicate de franchir de vive force le canal de l’Aisne, a réussi, par une habile manceuvre, à faire prendre tout d’abord une position célèbre (côte 108), puis à surprendre l’ennemi dans Berry-Bac, dont il s’est emparé, faisant une centaine de prisonniers et capturant des mitrailleuses. Officier supérieur de grande valeur présent au corps depuis le début de la guerre ».
Ainsi s’achève en quelques lignes la première partie de la vie de Monsabert. Nous avons pu admirer comment le jeune lignes le jeune homme, grâce à l’éducation qu’il a reçue, a su devenir le brillant cyrard de la 1re Guerre Mondiale.
Une grande carrière, à l’image d’un grand chef, va naître.
1918, c’est l’année où il est chef de bataillon au 9ème Régiment de Marche de Zouaves à Alger. Il épouse Isabelle Lecomte dans cette Afrique du Nord qu’il aime tant. Il rentre à Paris en 1920, où, pendant deux ans, il suit les cours de l’Ecole Supérieure de Guerre. Mais, l’épopée du Maroc ne peut se passer sans lui et, muni de son brevet d’Etat-Major, le chef de bataillon de Monsabert est muté à Talda. C’est l’époque de Lyautey et Monsabert prend part à la pacification avec ardeur. Il est suivi par son épouse au rythme des bivouacs changeants de Taza, de Midelt… etc.
Le 14ème Régiment de Tirailleurs Algériens basé au Maroc accueille le chef de bataillon début 1925. Celui-ci s’y illustre par ses facultés d’adaptation à ce type de guerre, où il se révèle aussi bon meneur d’hommes qu’officier d’état-major.
On remarque le 1er et le 2 août 1925 au Djebel Alfa l’audacieux commandant qui sait manœuvrer judicieusement son bataillon pour en obtenir finalement un effort extraordinaire.
Affecté ensuite aux états-mjors du groupement de Taza puis de la 3ème Division de Marche, il apprend en plein Rif la mort de son père alité depuis longtemps déjà. C’est une cruelle douleur pour Monsabert qui portait son père plus haut que tout. Le lieutenant-colonel avait été son guide durant toute sa jeunesse et avait insufflé au jeune Joseph de l’époque, cette flamme militaire, qui ne le quittera plus désormais.
A Amiens, le baroudeur des marches de l’Empire va travailler à l’état-major du 2ème Corps d’Armée. Puis il est affecté comme professeur à l’Ecole Supérieure de Guerre où il enseigne avec passion le combat de l’Infanterie. Ses conférences sont toujours imprégnées de cette chaleur, où le fantassin est ce soldat auquel l’on demande presque tout et auquel revient la tâche d’occuper le terrain conquis.
Inscrit au tableau d’avancement, il rejoint la section outre-mer de l’état-major général des armées. Il y sera passionné et, séparé du Bled qui lui manque, il rédige sur l’Afrique du Nord qui lui est chère deux études (1/ « En relisant Bugeaud et Lyautey. Réflexions sur les campagnes africaines ». 2/ »Le rôle social de l’Armée d’Afrique ») à propos de la pacification, après son achèvement par Lyautey.
Il développe ce thème de la pacification qui doit être le but premier d’une expédition militaire en Afrique. On doit le concilier avec l’intérêt arabe. Il insiste aussi sur l’importance de l’action politique qui inspire le respect et l’intérêt des indigènes.
Puis il écrit le rôle social de l’Armée d’Afrique où ce brillant chef de la section Outre-Mer explique sa conception de la mission civilisatrice de l’armée et, également le rôle social de l’officier en Afrique.
Etant en métropole, Joseph de Monsabert peut se consacrer à son violon d’Ingres : l’histoire et les origines de sa famille. Il passe en famille la plupart de ses loisirs et ses vacances, chez ses cousins du Périgord Noir. Et, c’est en 1936, dans le sud des Landes qu’il trouve son havre de repos futur ; il le nomme « le Toureil » : C’est une agréable propriété dans le petit village fortifié d’Hastingues, non loin de Dax, qui domine la vallée des gaves réunis.
1937, le colonel de Monsabert retourne en Afrique commander le 9ème Régiment d’Infanterie Algérienne jusqu’en novembre 1939. Durant cette période, il ressent très bien la montée des périls qui gagne toute l’Europe. Les années historiques commencent. Son régiment est prévu pour rejoindre le Sud tunisien en cas de tension. Il en fait un corps de qualité, discipliné et instruit, possédant un esprit d’équipe formidable et un moral de fer. Il était partout à la fois, toujours attentif, strict, mais juste, énergique et, plaçant son regard au fond de ceux de ses subordonnés. Le chef de corps du 9ème Régiment de Tirailleurs Algériens est un excellent Colonel.
En décembre 39, il commande maintenant la 81ème Division d’Infanterie sur la ligne fortifiée face aux italiens qui sont en Tripolitaine. Il est sous les ordres du général Poupinel qui commande le front Sud tunisien à Gabès. L’armée voit l’amélioration de la défense de la ligne Mareth et surtout la préparation d’une offensive contre les troupes italiennes. On se prépare à attaquer mais hélas la situation en France se dégrade rapidement et l’opération est remise à plus tard. Le colonel contemple avec tristesse les événements de mai-juin 1940.
Celui-ci ne se résigne pas, au contraire, il estime que la France doit réagir et que c’est justement à cette grande Armée d’Afrique que reviendra le rôle de libérer le sol national aux côtés des alliés.
En France, on signe l’Armistice et le colonel rentre en Algérie pour prendre la tête de la 5ème Brigade d’Infanterie implantée à Blida. Toujours rayonnant et optimiste, il sait communiquer à ses cadres sa foi en les en préparant aux combats futurs.
La 5ème Brigade d’Infanterie Algérienne composée des 1er, 9ème et 29ème Régiments de Tirailleurs Algériens et la subdivision de Blida, dont Monsabert a la charge, s’étendent sur plus de 200 kilomètres. Celui-ci consacre tous ses efforts à l’instruction et l’encadrement de la troupe. Il y entretient un esprit de revanche et de corps. Il organise le plan de défense, c’est-à-dire le maintien de l’ordre, la surveillance et la défense du territoire comme par exemple à la base aérienne de Joinville.
Le 20 août 1941, il est promu général.
Le général de Monsabert a l’idée d’organiser les fêtes du centenaire de l’Armée d’Afrique et de la création des tirailleurs par Bugeaud.
Finalement, sur l’insistance des Généraux Giraud et Juin, il prend le commandement avec lequel il participe aux derniers combats de la campagne de Tunisie.
Ses mérites sont enfin reconnus, le prestige du Général de Monsabert est grand au sein de l’Armée d’Afrique et la promesse de Juin de lui confier une des divisions du futur Corps Expéditionnaire Français se réalise.
En mai, à Constantine, il reçoit le commandement de la 3° Division d’Infanterie Algérienne du Général Welvert, tombé en Tunisie.
L’épopée glorieuse de la 3 Division d’Infanterie Algérienne commence…
A peine a-t-il reçu son commandement que Monsabert s’applique déjà à faire de sa division une unité d’élite. II commence par lui donner une âme : sa division étant à Constantine, celui-ci veut la placer sous la protection des ailes de la victoire. Cette petite statuette antique à laquelle il adjoint les trois croissants bleu, blanc et rouge, était arborée fièrement par chaque homme de la division au côté de celui du Corps Expéditionnaire Français (CEF), en poussant son cri dans le soleil rayonnant. Monsabert apparentait ainsi la 3ème DIA à la « IV a Legio Augusta », la glorieuse légion de Numidie. La division Monsabert pouvait reconquérir l’Europe et la France.
Cependant, la 3ème DIA s’était forgée une âme, il lui fallait encore se forger un corps. La mission du général était simple : mettre sur pied et entraîner son unité. Aussi, l’instruction va se poursuivre inlassablement et tout est prétexte à s’aguerrir. Le général multiplie les manœuvres et les entraînements, confrontant sans cesse ses hommes avec les futures réalités de la campagne d’Italie, selon la dure école des colonnes d’Afrique. Il leur demandera beaucoup mais ils seront fin prêts quand il faudra embarquer pour Salerne et Naples.
Les principales unités sont : le 3e Régiment de Tirailleurs Algériens du Colonel de Linares, les 4e et 7e Régiments de Tirailleurs Tunisiens des Colonels Roux et Chappuis, le 67e Régiment d’Artillerie et 3e Régiment de Spahis, sans oublier les nombreux éléments organiques, les unités divisionnaires et les services. La division fut équipée de matériels américains ultra modernes et bien adaptés aux futurs combats : l’officier américain chargé de contrôler la bonne mise en œuvre de ceux-ci par les tirailleurs fut conquis et impressionné par la rapide acclimatation des hommes à ces nouveaux matériels.
Monsabert connaissait chacun, du plus humble de ses tirailleurs aux officiers de ces prestigieuses unités. Celui-ci leur donne beaucoup, sa bravoure est désormais légendaire et tous l’aiment et le respectent. Dans les popotes, il aime à se mêler à ses soldats dans une ambiance familiale et confiante. Durant cette période de rudes entraînements, il était partout avec sa division, n’hésitant pas à s’attarder le soir avec sa troupe.
Celle-ci portait le casque français et, son chef conserva l’uniforme de général français.
Quand la division fait mouvement pour embarquer vers l’Italie elle est surentraînée et chaque soldat peut accomplir n’importe quelle mission.
Le débarquement anglo-américain a lieu le 9 septembre 1943 à Salerne; il s’agissait pour les alliés d’ouvrir un nouveau front en Europe occidentale afin d’alléger, les Soviétiques, mais également pour attirer le maximum des réserves allemandes loin de la Manche. Après le débarquement allié en Italie, les trois régiments d’infanterie s’embarquent pour Naples : ils sont engagés immédiatement.
La campagne d’Italie va durer de novembre 43 à juillet 44 et, dès les premiers engagements, le CEF du Général Juin avec ses 4 divisions, la 2ème DIM première engagée, la 4ème DIM, la 4ème DMM, et la 3ème DIA va se distinguer et prouver ainsi aux Américains et à leur chef, le général Clark, que les fils de France n’étaient pas des vaincus. L’honneur du drapeau était en jeu et tous ces sacrifices prouvèrent que l’armée française n’était pas morte, bien au contraire.
La 3ème DIA relève du 5 au 15 janvier la 25ème DIUS sur les pentes et les crêtes enneigées des Abbruzes. Le Monna Casale est pris le 13 janvier 1944, après une lutte sévère et coriace contre la 50ème division allemande de montagne. A son tour, le Monna Aqua Fondata est conquis et toute la haute vallée du Rapido est alors accessible jusqu’au village de Sant’Elia : de cet endroit on peut apercevoir le Belvédère…
Pour les alliés, il s’agit de percer la ligne Gustav, et le Belvédère est un des verrous qui barre la route de Rome.
Après plusieurs tentatives infructueuses des Américains, le général Clark décide d’attaquer une nouvelle fois le mont Cassin, autre verrou de la ligne Gustav : il demande à la 3e DIA de s’emparer du Belvédère afin de couvrir son action.
La bataille du Belvédère dure du 25 janvier au 4 février 1944 et ce verrou fut conquis de haute lutte. Le 4ème RTT en tête est le principal artisan de cette victoire et fit merveille car, à l’assaut de l’impossible, il sut transformer un Sidi-Brahim en victoire avec l’aide de ses deux régiments frères, les 3ème et 7ème RTA. Avec leur moral, ceux-ci réussirent à tenir sous le déluge d’enfer et de feu, affamés et parfois sans munitions…
Durant 10 jours et pendant 10 nuits, les combattants du Belvédère repoussèrent les contre-attaques et reprirent les cotes perdues.
Les trois bataillons du 4ème RTT furent littéralement hachés : chaque combat se terminait par des corps à corps sanglants, chacun perdant ou regagnant tour à tour sa position. Les plus belles unités de l’ennemi furent décimées.
Les débris du 4ème RTT et des 3ème et 7ème RTA vont redonner l’assaut pour la 7ème fois. Ils prendront enfin le Belvédère qu’ils ne cèderont plus jamais. Ce régiment y aura perdu pratiquement tous ses cadres et plus de la moitié de ses tirailleurs. Les Allemands ont désormais compris que le CEF ne cèdera plus, et ils se résignèrent !
Le soldat français s’est montré tel qu’il était et 1940 n’était qu’un accident. La route était celle de la victoire. La troupe est maintenant animée de ce souffle, de cette foi qui permet de tout balayer devant elle ; la volonté de vaincre. « Ils se sont battus comme des lions » dira le lieutenant-colonel américain chargé de contrôler la bonne mise en œuvre du matériel par la division. Le général Juin ne tarira pas d’éloges sur Monsabert et la 3ème DIA : « magnifique division solide au feu ». Le général de Monsabert était le type même de gentilhomme de guerre, à la fois dur et d’une bonté infinie, animé d’une volonté offensive farouche, ne cachant jamais son âme ardente de chrétien et de croyant inébranlable,
Il s’agissait durant cette campagne d’hiver, de restaurer dans l’opinion des chefs alliés les généraux Clark et Alexander, la réputation de l’Armée Française. Trois mois plus tard le CEF, avec comme fer de lance la 3ème DIA, avait conquis ses lettres de noblesse ; il était devenu une unité d’élite forçant l’admiration des alliés.
L’avance du CEF ne peut être exploitée par les alliés qui se brisent les reins sur le verrou de Cassino ; deux divisions U.S. vont s’user en février-mars contre ce monastère, suivies par deux autres divisions anglaises, et ceci, sous un déluge de bombes et d’obus. La route de Rome restait ainsi fermée.
La 3ème DIA fut mise au repos après cette campagne d’hiver remarquable. Monsabert en profita pour organiser la fête de la division à Pompéi. Elle eut lieu le 22 avril en présence du général Juin et de son état-major : Monsabert y exprima les sentiments d’exaltation de l’Armée d’Afrique qui, après un hiver où elle avait fait ses preuves, s’apprêtait à un effort encore plus décisif. On pouvait voir la fierté retrouvée de l’Armée Française sur les visages des sections qui défilaient dans cet amphithéâtre sous les yeux de leurs chefs en képi doré.
Mai 1944 : c’est la bataille du Garigliano où la 3ème DIA fait sauter le verrou de Castelforte. Le 25 mai, c’est la manœuvre alliée toute entière qui, achevée par la division Monsabert, brise la ligne Gustav et ouvre enfin la route de Rome. On s’est battu maison par maison et, le village de Castelforte n’est plus que ruines fumantes. Dès lors, la guerre devient une poursuite.
Monsabert avec son calot sur la tête, son chèche noué autour du cou pour se protéger de la poussière, avait après chaque combat la figure blanche ; son stick à la main, debout à côté de la jeep conduite par son fidèle conducteur Manceur, avait belle allure.
La manœuvre d’Esperia occupe maintenant le CEF. Finalement, le 5 juin, ils sont à Rome au milieu des acclamations de la foule italienne qui semble avoir déjà oublié Mussolini.
La 3ème DIA prend quelques jours de repos. Elle est ensuite chargée d’enlever Sienne mais elle est gênée par les contre-attaques allemandes. Finalement ceux-ci quittent la ville le 2 juillet et le 3 la division y pénètre. Monsabert réussit dans la prise de Sienne à préserver la ville : « Je ne veux pas d’obus dans Sienne ». Il lui fallut toute sa science militaire pour déplacer les combats et épargner ce chef-d’œuvre.
Au lendemain de la prise de Sienne, le CEF est séparé et le 3ème DIA du général de Monsabert fait demi-tour, la mort dans l’âme, dans la région de Naples et de Tarente en vue du prochain embarquement vers la France.
Le 15 août, c’est le débarquement de Provence auquel la 3ème DIA participe. Le général de Monsabert fonce aussitôt sur Marseille, car la population s’était soulevée contre l’occupant et devait être rapidement libérée avant que celui-ci ne se reprenne. Les régiments de Monsabert bousculent l’ennemi partout. Le 23 août, les Allemands surpris se retranchent dans des casemates en béton, solidement armés ; c’était compter sans l’audace du Belvédère: les 7ème et 3ème RTA forcent l’ennemi à se rendre. Après moins d’une semaine de combat, Marseille et Toulon sont libres. Durant ces moments, le général aura réussi l’exploit d’attaquer Toulon et, en même temps, d’investir la cité phocéenne ainsi que ses défenses extérieures. Une spectaculaire prise d’armes au vieux port marque cet instant ; la division défile devant le général. Les tirailleurs sont littéralement submergés par la foule qui les acclame en chantant la Marseillaise. Parcourons cette magnifique citation attribuée à Monsabert « Officier Général animé d’un esprit offensif et d’un sens manœuvrier désormais légendaire dans toute l’armée française… a fait capturer plus de dix mille prisonniers… Chef de guerre dans toute l’acceptation du terme… ».
Celui-là devient général de corps d’armée et on lui confie le deuxième corps le 31 août 1944. Il participe ainsi à la campagne en passant par les Vosges et l’Alsace jusqu’au Rhin qu’il franchit le 31 mars à Gemersheim. Le 7 mai c’est la victoire que Monsabert fête à Bad Peterstal avec ses officiers. Il avait poussé son avance jusqu’à Sigmaringen, et c’est au château des Hohenzollern où il se rendait que lui fut remis le commandement en chef des troupes d’occupation. Sa tâche ne fut pas simple. Mais il sut rappeler à ses troupes leurs devoirs, et préserver l’œuvre de reconstruction. Il réussit à instaurer une bonne entente entre l’armée et l’administration.
Mais le général est atteint par la limite d’âge et il quitte l’Allemagne. Il le fait en beauté, puisque le ministre des armées Edmond Michelet lui remet la médaille militaire le 28 septembre 1946 à Stetten. Il est alors général d’armée. On ne pouvait lui rendre plus bel hommage, lui qui donna son cœur et sa foi toute entière à la France.
Monsabert reste préoccupé par les intérêts de la Nation et il s’engage dans la politique. Il fut un représentant attentif et consciencieux de son département. Il s’intéresse à tous les problèmes qui se posent à la France et prend souvent position ou donne sa façon de penser sur les grandes questions de l’époque : CED, OTAN. Il suit aussi les sujets politiques et militaires et y prend part dans ses articles, ses conférences ou ses interventions à l’Assemblée Nationale.
Si Monsabert fut un homme d’action, il sut aussi être un homme de lettres de grande valeur. Il écrivit plusieurs ouvrages traitant du rôle de l’Armée en Afrique. Il publie aussi un écrit : « Il faut refaire l’armée française », analyse très complète de l’armée après la guerre, et des moyens de la rapprocher de la nation. Il prône pour l’éducation du citoyen, des valeurs morales : famille, école, armée… Il se penche attentivement sur les problèmes des anciens combattants français et musulmans de la deuxième guerre mondiale. Bien sûr il se passionne pour l’Armée d’Afrique et, il s’efforce de faire connaître sa réelle participation durant la guerre.
Enfin le général écrira sur sa famille et, l’on retrouve les valeurs spirituelles patriotiques de la tradition française.
Le glorieux général de l’Armée d’Afrique n’oublie pas ses compagnons d’armes et il fonde en 1946 l’amicale des anciens combattants de la 3ème DIA. Cette dernière est très forte et mène une action sociale et morale de premier ordre. Une œuvre considérable fut entreprise. Il s’agissait d’aider les familles, les orphelins et, de les parrainer. De même en Afrique du Nord il prodigue une aide admirable par l’intermédiaire de ses comités.
Le général insista encore sur l’action morale, inséparable de l’aide sociale. Celui-ci fut leur guide et leur exemple. Son rayonnement, sa volonté, sa personnalité insufflaient sans cesse à l’amicale cet esprit de culte de l’Armée et de la Patrie.
Le général de Monsabert s’installe définitivement au Toureil qu’il aime tant ; cette propriété devient le creuset familial des Monsabert et la maison est continuellement remplie des petits neveux du vieil aïeul. Il voyage également souvent, insatiable de paysages et d’archéologie. Mais le général souffrant déjà d’une arthrose pénible est atteint de surdité presque totale. Il se replie sur lui-même dans son bureau-musée.
Ainsi s’achève la vie du général de Monsabert. Une existence totalement consacrée à l’armée et à la France, sous la protection de Dieu qui le protégea jusqu’à sa mort.
C’est pourquoi nous avons désiré placer notre promotion sous le haut parrainage du Général. Homme de terrain, glorieux défenseur des valeurs patriotiques, ardent chrétien, humaniste et homme attentif aux problèmes du pays, celui-ci est notre guide exemplaire.
Puisse son rayonnement nous éclairer durant notre carrière.
Biographie rédigée par le sous-lieutenant Aumonnier, de la promotion général de Monsabert, publiée en 3 articles dans la revue Saint-Cyr, créée par la promotion général de Monsabert.